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Points de vue sur le monde des courses hippiques : 

un regard sans concession

Passionnée, l'équipe de journalistes vous propose de tout savoir sur l'organisation, les compétiteurs hommes et chevaux mais aussi sur les abus, les privilèges... Par le biais d'articles de fond sur des faits récents, ou de dossiers sur les grands sujets qui font débat, un seul objectif : que les turfistes passionnés puissent tout savoir et ainsi avoir un jugement s'appuyant sur... la vérité.

Le maître mot, trop souvent oublié par la presse.

 Articles rédigés par Patrick LANABÈRE

 (copies sous réserve d'autorisation)

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LA SÉPARATION DES MISES PMU “INTERNET” DU RÉSEAU EN VILLE

15/03/2014

VA AVOIR DES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES SUR LES COURSES

En octobre dernier, dans le cadre d'une procédure ouverte devant l'Autorité de la concurrence par Betclic Everest Group, le PMU a proposé de séparer les mises qu'il enregistre au titre de ses activités de paris hippiques «en dur» (points de vente physiques : bar-tabac, maisons de la presse…) de celles qu'il enregistre au titre de ses activités de paris hippiques en ligne (Pmu.fr). Betclic dénonçait en particulier le fait que le PMU, titulaire d'un monopole légal sur les paris hippiques «en dur», mutualise les mises qu'il enregistre à ce titre avec celles qu'il enregistre sur son site de paris hippiques en ligne. Ce faisant, “le PMU renforcerait considérablement l'attractivité de son offre de paris hippiques en ligne, au point de menacer l'existence de ses concurrents.”  

Rappelons que la loi de mai 2010 qui a ouvert à la concurrence le secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, a maintenu le monopole du PMU sur les paris hippiques «en dur». Aujourd’hui huit opérateurs sont agréés par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), dont le plaignant Betclic. Notons que le PMU a, malgré cette ouverture, conservé une position ultra-dominante sur les courses avec  plus de 80% des mises.

Le plaignant (Betclic) a fait valoir qu’en pari mutuel, les gains versés aux gagnants dépendent directement du total des sommes misées sur ce pari et que le PMU mutualise dans une masse unique l'ensemble des mises enregistrées. Une mutualisation des masses d'enjeux qui permet au site PMU de décupler les masses d'enjeux de chaque pari et surtout d’appuyer ses résultats internet grâce aux mises collectées par les points de vente (8,4 milliards d'euros), alors que celles collectées par le site ne s'élèvent qu'à 972 millions d'euros. Le plaignant a donc fait valoir que le PMU tirait plusieurs avantages de cette mutualisation :

• Des gains plus attractifs : Le PMU est en mesure de proposer en ligne le Quinté ordre, dont le gain potentiel est très élevé, d’autant qu’il peut être éventuellement complété par une «Tirelire» . Betclic s’est notamment appuyé sur le fait que c'est uniquement parce qu'il utilise les ressources de son monopole que le PMU peut afficher de tels potentiels de gains en ligne sur Pmu.fr.

• Des cotes plus stables : Avec ses masses d'enjeux décuplées, le PMU est donc en mesure de garantir aux parieurs en ligne des cotes bien plus stables que celles qui résulteraient de ses seules mises online, et, donc, d'accepter sur Pmu.fr toutes les mises des parieurs sans limite de montant contrairement à ses concurrents qui sont obligés de fixer des plafonds de mises très bas afin d'éviter que les cotes baissent fortement.

• Des paris plus nombreux : En pari mutuel, le lancement d'un nouveau pari ou l'ajout d'une nouvelle course supports de paris cannibalisent, dans une proportion considérable, les mises placées sur les paris existants. Dès lors, seul un opérateur disposant d'une masse d'enjeux importante est en mesure d'élargir son offre de paris. 

Selon ces faits, incontestables, l'Autorité de la concurrence a demandé au PMU de proposer une solution. Ce dernier n’a rien trouvé d’autre que de séparer, dans un délai de 24 mois et pour chacun des paris proposés sur Pmu.fr, ses masses d'enjeux enregistrées en ligne de celles enregistrés «en dur». Nous étions à l’automne 2013 et afin de vérifier l'efficacité de cette proposition, l'Autorité de la concurrence a soumis cette proposition à consultation. Il n’y a pas eu grand-chose d’apporté au débat ensuite. 

C’est alors qu’il aurait peut-être été judicieux, au niveau des autorités des courses en france, de faire un tour de table pour trouver une solution moins dévastatrice que celle choisie... 

Comme par exemple, ce n’est qu’un suggestion, pour satisfaire la concurrence, de leur accorder la possibilité, au nom de l’égalité, d’ouvrir des points de ventes en ville. Pourquoi cette éventualité n’a-t-elle pas été étudiée ?

Revenons donc au rapport de l’Autorité de la concurrence, où l’on note quelques extraits qui méritent réflexion... 

“Le PMU exerce son monopole sur la prise de paris hippiques «en dur» via un réseau d’environ 12000 points de vente ; La croissance est pour l’essentiel tirée par les activités Internet, en particulier les paris sportifs et du poker. D’une manière générale, les enjeux « en dur » sont en baisse en 2013, par rapport à 2012, année où ils avaient également baissé de 2 %. Et contrairement aux années précédentes, la croissance des enjeux sur les paris hippiques en ligne a été stoppée. Après une hausse de 11,1 % en 2012, les enjeux ont diminué de 3 % en 2013.“

On peut donc ici, sur ces chiffres officiels publiés, constater que contrairement aux déclaration rassurantes des instances, la santé des paris hippiques est vacillante... et que côté internet, le boum annoncé n’a pas eu lieu. 

Autre extrait intéressant : “Si Betclic est aujourd’hui le site leader en matière de paris sportifs, les paris hippiques ne représentent qu’une part marginale de son activité.” Ce qui veut clairement dire que Betclic n’hésite pas à mettre en péril le système des courses en France pour pas grand-chose... Faut-il donc y voir d’autres raisons que purement commerciales, sachant que parmi ses hauts responsables, Betclic compte un des anciens responsables de la “communication” du PMU... On peut en tout cas se poser la question. Autre élément relevé : “Le PMU dispose d’une filiale, Gényinfo, dont il détient la totalité du capital”. 

Ce qui est pour le moins curieux et paradoxal, c’est cet autre extrait : “Betclic, société plaignante dans la présente affaire, a mis en commun sa masse d’enjeux avec GényBet”.

Oui, vous lisez bien. le pmu a été attaqué par Betclic, avec qui il a signé un accord de masses communes pour Gény, dont le Pmu est propriétaire... 

On marche sur la tête ! D’autant qu’on peut encore lire, dans le rapport de l’Autorité de la concurrence : “Le PMU a lancé en mai 2010 une carte – la carte PMU – disponible dans les points de vente physiques et sur le site Pmu.fr, dont l’objet était, selon les termes du Président du PMU, « d’assurer la fluidité entre Internet et les points de vente ». En effet, grâce à cette carte, « le parieur peut parier, être crédité automatiquement de ses gains, alimenter son compte, demander un retrait ou encore consulter son compte et suivre ses opérations, et cela quel que soit l’endroit ou la façon dont il joue : points de vente, guichets ou sur les bornes interactives, par Internet, sur mobile ». Pour Betclic, cette carte vise également à mieux connaître les clients du réseau de points de vente physiques du PMU afin de les fidéliser. Pour la société saisissante, un lien indiscutable est donc créé entre les activités sous monopole du PMU et les activités ouvertes à la concurrence...” 

La création de la carte PMU est donc l’une des brèches dans laquelle s’est engouffrée Betclic. Depuis, le PMU a bien entendu corrigé le tir, ayant proposé de bien séparer ces bases de données du réseau ville avec la base issue d’internet. Cette décorrélation est effective depuis décembre 2012. Mais pour Betclic, ce fut un élément de plus dans sa démonstration  “que la pratique de mutualisation des masses d’enjeux en ligne et «en dur» permet au PMU de proposer aux parieurs en ligne une structure de gains financiers plus attractive que celles des autres opérateurs et l’utilise pour fausser la concurrence sur les paris hippiques en ligne”.

Cette semaine, l'Autorité de la concurrence a validé la proposition du PMU de séparer ses deux activités. “Par cette décision, l'Autorité assure le maintien, au bénéfice du consommateur, d'une offre légale diversifiée sur le marché récemment ouvert des paris hippiques en ligne. Cet engagement structurant pour le secteur des paris hippiques en ligne, permettra à l'ensemble des opérateurs d'être en mesure de concurrencer à armes légales le site PMU.fr. Les joueurs bénéficieront ainsi d'une offre en ligne diversifiée et renouvelée. Le PMU s'est engagé à séparer, avant le 30 septembre 2015 et pour chacun des paris proposés sur Pmu.fr, ses masses d'enjeux enregistrées en ligne de celles enregistrées « en dur ». Par conséquent, à cette date, les masses d'enjeux des paris hippiques proposés par Pmu.fr ne seront plus constituées que des seules mises en ligne enregistrées sur ce site, au même titre que ses concurrents. Par conséquent, alors qu'elles sont aujourd'hui identiques, l'offre de paris hippiques en ligne du PMU sera différente de celle « en dur ». En particulier, il ne lui sera plus possible, comme actuellement, de proposer en ligne des gains aussi élevés sur le Quinté +, gains qui ne pouvaient être financés que par les ressources du monopole « en dur ». Toutefois, le PMU pourrait donner au Quinté +, s'il le souhaite, une autre forme, par exemple en réduisant le nombre de rapports de gain (six actuellement), en augmentant la proportion de la masse à partager affectée au rapport dans l'ordre (aujourd'hui 15%) ou en modifiant les règles de la « Tirelire ». D'une manière générale, les avantages d'une offre spécifique pensée pour les parieurs en ligne et adaptée à leur demande pourraient compenser les gains moins élevés qu'ils pourront espérer. Enfin, même si ses gains au Quinté + devaient être un peu moins élevés, l'Autorité souligne les avantages que le consommateur de paris hippiques en ligne retire d'une offre légale et diversifiée présentant toutes les garanties en termes de sécurité financière et de lutte contre l'addiction” . 

SAUF QUE... Nous somme dans le domaine du rêve. Voilà un objectif tout simplement impossible à réaliser ! Et si l’Autorité de la concurrence n’a pas les éléments pour savoir que cela va avoir un effet déstructeur, nous l’avons, nous, en tant qu’observateur des courses et des paris depuis plus de trente ans. Il suffit de se souvenir du malaise des joueurs à l’époque des paris du matin distingués de ceux de l’après-midi pour les paris secondaires (couplés, trios)... Cette fois cela va toucher tous les jeux, y compris ceux qui font  le plus recette (Quinté, Tiercé, Quarté, Multi). Pour tous ceux qui connaissent ce milieu, il est évident que cette évolution va avoir des effets désastreux sur les recettes. En tout premier lieu celle de l’État car dit baisse conséquente des enjeux, dit baisse des prélèvements fiscaux. Il y avait déjà bien des raisons de redouter l’avenir, mais là, on touche le fond. Si personne n’intervient en haut lieu pour tenter de trouver une autre solution, c’est le suicide des courses hippiques qui sera alors programmé...