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Points de vue sur le monde des courses hippiques : 

un regard sans concession

Passionnée, l'équipe de journalistes vous propose de tout savoir sur l'organisation, les compétiteurs hommes et chevaux mais aussi sur les abus, les privilèges... Par le biais d'articles de fond sur des faits récents, ou de dossiers sur les grands sujets qui font débat, un seul objectif : que les turfistes passionnés puissent tout savoir et ainsi avoir un jugement s'appuyant sur... la vérité.

Le maître mot, trop souvent oublié par la presse.

 Articles rédigés par Patrick LANABÈRE

 (copies sous réserve d'autorisation)

N° Audiotel > 08.99.700.720

(0,80 € la minute)

DOPAGE : FAUT-IL LAVER LE LINGE SALE EN FAMILLE ?

06/12/2013

Le célèbre entraîneur britannique Gérard Butler, qui avait notamment présenté victorieusement ELUSIVE CITY dans le classique Prix Morny (G1) fin août à Deauville, a été suspendu pour dopage avéré par les autorités hippiques anglaises. Il a été reconnu coupable de sept chefs d'accusation dont celui d'avoir fait subir un traitement de stéroïdes anabolisants à certains de ses représentants. La suspension est de cinq ans... On se souvient qu'en France, un jeune entraîneur de trotteurs, a été lui aussi reconnu coupable d'utilisation de tels produits dopants. Il avait nié bien évidemment car c’est ainsi en France, que l’on s’en sort le mieux, aucune enquête n’étant menée, en amont, pour mettre les “accusés” en situation de flagrant délit. 

Résultat : une suspension de seulement une année, suspension toute relative d'ailleurs puisqu'ils ont autorisé sa compagne à prendre le relais comme entraîneur "officiel", ce qui, dans les faits, n'a donc rien changé au fonctionnement de l'écurie. On voit donc la grande différence de traitement entre des autorités britanniques, qui ont aussi dévoilé cette année une vague de résultats positifs aux contrôles anti-dopage d'une partie de l'écurie classique "Godolphin", et de la France qui n'a jamais révélé aucun cas de la sorte...

“BISOUNOURS” EN MATIÈRE DE DOPAGE ?

 Il faudrait donc en déduire qu'il n'y a de tricheurs qu'Outre-Manche... Et qu’il n’y a que des “bisounours” en France ? Bien évidemment pas. C’est la  manière d’aborder ce grave problème qui fait toute la différence. En Angleterre, ces affaires sont suivies par les autorités policières. Par exemple, Gérard Butler, entraîneur classique, avait été placé sous surveillance, comme tout trafiquant présumé (enquête, écoute, filatures) ce qui a permis de le compromettre face aux faits révélés par cette enquête d'envergure. En France, rien de tel n'est possible. Les deux seuls cas de dopage révélés ces dernières années (on parle de dopage non pas de “soins” comme pour Pierre Levesque) n'ont conduit à aucune investigation de la police judiciaire pour une bonne et simple raison : les sociétés de courses n'ont pas obligation de prévenir ces autorités policières, même en cas de contrôle positif. Pour faire simple, en Grande-Bretagne, quand un cas est révélé, on fait enquêter la police pour savoir s'il s'agit d'un concours de circonstances, d'une pratique organisée et volontaire, voire d'un trafic. En France, en cas de cheval positif, on ne prévient pas la police mais l'entourage... En conséquence, il est bien sûr impossible de mettre à jour d'éventuels trafics ou pratiques illégales, y compris en matière de stupéfiants car les produits dopants sont bel et bien des stupéfiants qui vaudraient, aux entraîneurs reconnus coupables, de lourdes peines si les instances judiciaires avaient la possibilité d'enquêter. Au lieu de cela, en France, on lave le linge sale en famille...

SANCTIONS THÉORIQUES SANS EFFET...

Ainsi, les deux entraîneurs qui auraient pu être pris dans cette spirale ces dernières années, convaincus de cas positifs aux anabolisants (celui de Ben Johnson à Montréal !) pour l'un, et de résultats positifs à un produit permettant de “booster” les capacités respiratoires  et n'ayant pas d'autorisation de mise sur le marché en France, pour l’autre, n'ont pas été inquiétés par les autorités judiciaires et par voie de conséquence non plus par la justice... Les sociétés de courses ont choisi, dans ces deux cas de figure, la politique de l'autruche, et les deux entraîneurs concernés n'ont pas été véritablement inquiétés, l'un ayant donc purgé une suspension d'un an, quasiment "virtuelle". L’autre n’a eu aucune sanction, si ce n’est une amende dérisoire! Ce qui n’a guère d’effets sur les éventuels tricheurs. Dire que les sociétés de courses revendiquent une lutte anti-dopage sans failles, parmi les plus efficaces de tous les sports... alors qu'elles ont refusé d’être sous surveillance de l'Agence Française de Lutte contre le dopage (A.F.L.D.), tout en s'étonnant que les turfistes quittent le navire peu à peu. Hypocrisie ! Pourtant, il est simple de comprendre la simple équation suivante ; dopage =  résultats incohérents =  arrivées illogiques = turfistes qui y perdent leur latin et finissent par s'abstenir. Il ne suffit donc pas de paroles et d’autosatisfaction pour lutter efficacement contre le dopage, il faut des actes. Une lutte anti-dopage concrète, non virtuelle.

POLITIQUE DE L’AUTRUCHE

Face à un tel édito, qui dénonce afin que les mentalités changent, qui souhaite que les vrais tricheurs soient sanctionnés, que les résultats deviennent donc plus cohérents, que croyez-vous que seront les réactions des sociétés de courses et de certains professionnels, notamment ceux qui siègent de manière quasi monarchiques au Comité du trot? Établir un constat, remettre les choses à plat, changer les règles, mettre en place une démarche visant à débusquer les fraudeurs ? Évidemment non. La pratique consistera une nouvelle fois à tirer sur le journaliste. À l'accuser de ne pas aimer les courses. À le considérer comme un “traître” voulant donner une mauvaise image du milieu. En gros, et comme toujours aux courses, le journaliste qui dénonce le problème deviendra LE  problème... C'est peut-être aussi pour cela que la plupart ont renoncé à leur indépendance, ou considèrent normal le fait d'être rémunérer par les autorités elles-mêmes (Gény-Courses, par exemple). Alors que s'ils gardaient leur libre arbitre, ils feraient plus de bien que de mal à ce sport que nous aimons tous. Malheureusement, ils sont sous le dictat de dirigeants pour la plupart acteurs (éleveurs, propriétaires, voire entraîneurs) qui n'ont pas le recul suffisant pour comprendre que faire éclater les scandales, écarter les tricheurs, ne pas enterrer les "affaires" comme la course truquée de Mons en début d'année, serait salvateur. En résumé, les dirigeants pensent que d'occulter les problèmes, donc se voiler la face est la ligne de conduite idéale. J’ai toujours pensé le contraire. Et les autres sports attestent que cette notion de vérité et de transparence a du bon. En cyclisme, le fait que la Fédération Française soit à la tête de la lutte anti-dopage et soit parvenue à gagner en partie son combat contre d'autres nations n'a pas rendu le vélo moins populaire, bien au contraire.


Les autorités hippiques, ou les ministères de tutelles, notamment à l'Intérieur, auront-elles un jour cette volonté dans ce domaine de la lutte anti-dopage et de la régularité des résultats? C'est probablement l'une des clés de l'avenir des courses qui ont besoin plus que jamais d'une nouvelle image. Celle de la transparence redonnerait confiance...